lundi 22 mars 2010

Huis Clos

Dans la poursuite de sa mission de monter les classiques d’hier et d’aujourd’hui, le Théâtre du Nouveau Monde présente l’œuvre d’un célèbre philosophe français du XXe siècle; Jean-Paul Sartre. Crée en 1944, «Huis Clos» met en scène trois personnes se retrouvant en enfer. Chacune d’elle devient, au fil des minutes, le bourreau de l’autre. Cherchant d’abord à conserver leur liberté et leur blancheur, Garcin, Estelle et Inès se révèlent et comprennent que l’Enfer, ce sont les autres.

La scénographie de «Huis Clos» est très intéressante. Une cage envahit l’espace, entourée de trous dans le plancher et de trappes d’où le Garçon, un des gardiens de l’Enfer, apparaît et disparaît selon son gré. Un poteau de pompier permet à ce dernier d’écouter ce qui se passe dans la cage en l’observant de haut. Bref, la scénographie ouvre la porte à des jeux surprenants et rehausse l’attention du spectateur qui se perd parfois dans la lourdeur du propos.

Patrice Robitaille, Pascale Bussières et Julie Le Breton forment un trio intelligent. Robitaille incarne un gentleman distingué, Bussières campe une lesbienne dure et Le Breton joue bien la blonde sans tête. Ils sont justes et malgré quelques accros dans le texte, ils rendent bien les propos. Leur interprétation n’offre toutefois rien d’extraordinaire. Somme toute, bien que la pièce soit intéressante et pleine de promesses avec une telle distribution, elle ne réserve pas de grandes surprises.
PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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Huis Clos
De Jean-Paul Sartre
Théâtre du Nouveau Monde
Avec Patrice Robitaille, Pascale Bussières,
Julie Le Breton, Sébastien Dodge
Mise en scène : Lorraine Pintal
9 mars au 3 avril 2010

lundi 22 février 2010

Psy

Le 16 février, la compagnie québécoise Les 7 doigts de la main présentait en première mondiale, leur toute nouvelle création : Psy. Durant les deux heures du spectacle, les 11 jeunes artistes du spectacle sont tour à tour psychologue et malade. Agoraphobie, trouble de la personnalité, hypocondrie, amnésie, dépendance : tout y passe. Leur thérapie? Apprendre à s’extérioriser en groupe par le biais de disciplines circassiennes. Une drôle de cure pour de drôles de personnages!
Psy est très axée sur la danse contemporaine. La majeure partie du temps, tous les artistes sont en scène. S’ils ne sont pas au cœur de l’action, ils interprètent des personnages qui étoffent l’ambiance du numéro. Rien n’est laissé au hasard.
Ce qui émerveille chez les 7 doigts, outre la grande théâtralité présente dans leurs spectacles, c’est la multidisciplinarité des artistes. En plus d’être spécialisé dans un domaine, ils sont des touche-à-tout qui participent aux numéros de leurs compères. Mention spéciale au duo composé d’Héloïse Bourgeois et de William Underwood pour leur numéro de mât chinois ponctué par les troubles insomniaques d’Héloïse. Un délice!
Mis à part les petites longueurs et un numéro de lancer de couteaux qui est tombé à l’eau (était-ce voulu ou l’artiste était-elle très nerveuse en ce soir de première?), la troupe continue de nous émerveiller.

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PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET

PSY
à la Tohu
Avec Guillaume Biron, Héloïse Bourgeois,
Mohamed Bouseta, Danica Gagnon-Plamondon,
Gisle Henriet, Naël Jammal, Olga Kosova,
Florent Lestage, Tom Promeur-Orsini,
Julien Silliau, William Underwood.
Mise en scène, scénario et chorégraphies : Shana Carroll
16 février au 6 mars 2010

lundi 15 février 2010

Roadkill

Une auto en panne, sur la route désertique de l'Australie. Un couple et un mystérieux inconnu, apparaissant de nulle part. Les mythes urbains sur les voyageurs sont nombreux dans ce paysage aride et les peurs augmentent rapidement...

"Roadkill" nous lance dans ce thriller, créé en 2007 par la troupe australienne Splintergroup, dans le cadre du Festival Dance Umbrella à Londres. Une oeuvre intense et très physique. Les trois danseurs sont en plein contrôle et se mettent en réel danger dans leurs mouvements qui nous font sursauter à chaque instant. Malheureusemnt, les chorégraphies nous laissent parfois sur notre faim, paraissant au deuxième plan du spectacle, derrière le jeu. Toutefois, la scénographie est impressionnante, les interprètes, jouant souvent eux-mêmes avec l'éclairage et le son. Grâce à des trucages judicieux, l'angoisse et la peur se font sentir sur scène et dans l'assistance.

Une pièce définitivement terrifiante. Le public est pris dans un road movie, a la sensation d'y participer et se retient pour crier. La troupe Splintergroup ose déstabiliser et déranger ses spectateurs. Et c'est tant mieux.

PAR MARIE-EVE JACQUES
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Roadkill
par Splintergroup
Cinquième Salle de la Place des Arts
Du 10 au 13 février 2010

Chantefable

Le Studio-Théâtre de l’Illusion, scène intimiste de la rue Bienville, fait revivre une histoire médiévale d’amour et de guerre. Le jeune prince Aucassin est amoureux de Nicolette mais son père lui interdit de la voir. Une romance amenée avec une simplicité originale par le trio de marionnettistes.

Les marionnettes sont forts intéressantes, toutes de bois et inspirées des sculptures gothiques. Les marionnettistes ne se cachent pas derrière elles mais au contraire, s’amusent avec les personnages de bois. Leurs mimiques ajoutent de la magie au spectacle qui captive petits et grands. Les artistes évoluent dans une scénographie ingénieuse : trois trônes composent le décor. Ces derniers se transformeront tour à tour en prison, en château et en bateau. Avec des bandes de tissus pour appuyer les changements de lieu, l’imagination est sollicitée pour le plus grand plaisir de l’assistance.

Une chouette complicité s’installe entre les trois marionnettistes-comédiens et le public. Les jeunes spectateurs se lèvent de leur siège pour ne rien manquer et poussent des cris de dégoût lorsqu’Aucassin et Nicolette échangent un baiser. Tordant! Bref, «Chantefable» est une belle incursion et une excellente initiation au monde des marionnettistes.

PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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Chantefable
AUTEUR AU NOM OUBLIÉ
Avec Sabrina Baran, Salim Hammad & Philippe Racine
Mise en scène de Karel Brozek MGA et Claire Voisard
Studio-Théâtre de l’Illusion
2 au 14 février 2010

lundi 8 février 2010

Mon corps deviendra froid

La prémisse de la dernière œuvre d’Anne-Marie Olivier est simple : un repas familial afin de commémorer la mort du père. Pourtant, la simplicité de la proposition se complexifie au fur et à mesure que les minutes passent. En fait, aucun des protagonistes n’a réellement envie d’être là, excepté la mère qui n’a toujours pas fait le deuil de son mari décédé. Les spectateurs assistent à un véritable lavage de linges sales en famille alors que le ton devient plus agressif et les mots échangés plus violents. On tente de panser les blessures mais le diachylon ne colle pas. Au milieu des hostilités se trouve Sylvie, copine du fils endeuillé, qui semble absente mais qui se révèle être la plus lucide du groupe. Dans cet éclatement de la cellule familiale, le fantôme du père décédé quelques années plus tôt rôde…

Les mots de l’auteure sont parfois tendres, souvent violents. Le spectateur s’attache aux personnages et pourtant, les trouve désagréables, voire méchants. Le spectateur est dans une zone grise du début à la fin, partagé entre la sympathie qu’il ressent et le grand malaise toujours présent dû à l’humour noir des personnages. Le propos dérange par son authenticité et son caractère fort actuel. Quelle famille se sort indemne de la mort d’un père?

Mention spéciale à la scénographe Julie Deslauriers pour son incroyable décor constitué de portes de four et pour l’interprétation de Brigitte Lafleur qui marche sur une corde raide tout au long du spectacle, interprétant avec sensibilité le personnage de Sylvie.

PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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Mon corps deviendra
Texte d'Anne-Marie Olivier
Avec Suzanne Champagne, Claude Despins
Brigitte Lafleur, Myriam Leblanc & Roger La Rue
Mise en scène de Stéphan Allard
Théâtre de Quat’sous
25 janvier au 27 février 2010

lundi 18 janvier 2010

La liste

Lauréate du prix du gouverneur général 2008 en théâtre, l'auteure Jennifer Tremblay nous présente son oeuvre au Théâtre d'Aujourd'hui. "La Liste" nous parle d'une mère de famille, débordée, angoissée et solitaire qui raconte comment elle a collaboré au décès de sa voisine, elle aussi mère de jeunes enfants. Joué par Sylvie Drapeau, ce solo est un véritable plaidoyer de 70 minutes durant lequel le mystère plane et les vérités sont peu à peu dévoilées.
Sylvie Drapeau est troublante et touchante à la fois, révélant une mère au bout du rouleau, qui ne trouve pas sa place dans ce petit village. Les mots de Jennifer Tremblay sont simples mais ô combien forts. Malgré la lourdeur du propos, certains passages allègent la tension, surtout lorsqu'il est question des tâches quotidiennes d'une mère au foyer.
La mise en scène, signée Marie-Thérèse Fortin, est remarquable. Le décor quoiqu'il paraisse ordinaire à première vue dévoile sa complexité tout au long de la pièce, jouant de pair avec l'interprète. Sans aucun doute, La liste est une pièce mystérieuse, troublante et incroyablement sincère.
PAR MARIE-EVE JACQUES
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La liste
de Jennifer Tremblay
avec Sylvie Drapeau
mise en scène de Marie-Thérèse Fortin
Théâtre d'Aujourd'hui
12 janvier au 6 février 2010

Simon a toujours aimé danser

Simon Boulerice, jeune auteur, interprète, metteur en scène et danseur se livre sur la scène de la salle intimiste Jean-Claude Germain dans un solo autofictionnel savoureux. Sur un fond musical signé Whitney Houston, Simon joue au hockey, renie la religion, vie sa première relation amoureuse et les déceptions qu’elle entraîne mais surtout, Simon danse avec cœur. Dans toute sa fragilité et son innocence, Simon parle de ses blessures de petit garçon incompris qui ne cherche qu’à danser sa vie.

Le petit plateau de la salle Jean-Claude Germain se transforme tour à tour en club, en patinoire, en sanctuaire et en quai de métro. Quelques accessoires et un éclairage simple mais efficace supportent les propos du sympathique interprète. L’espace est investi avec fougue par Boulerice qui témoigne d’un incroyable talent de danseur, d’écrivain et d’interprète. Le cœur léger et le sourire aux lèvres, les spectateurs sont ravis au bout de l’heure et quart du solo qui porte à réfléchir sur la nécessité de s’accrocher à ses passions de petit garçon et de petite fille. Simon Boulerice, à ne pas perdre de vue dans les prochaines années, offre avec une sincère simplicité, un moment doucement sucré.
PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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Simon a toujours aimé danser
de Simon Boulerice
Avec Simon Boulerice
Mise en scène de Sarah Berthiaume
Théâtre d'Aujourd'hui
12 au 30 janvier 2010

dimanche 6 décembre 2009

Une maison propre

Le Théâtre de l'Opsis propose, dans le cadre de son exploration de la dramaturgie américaine, présente "Une maison propre", une oeuvre de Sarah Ruhl, pour lequel l'auteure a reçu le prix Susan Smith Blackburn et a été finaliste pour un prix Pulitzer.

"Une maison propre", c'est l'histoire de Mathilda, une jeune comédienne brésilienne à la recherche de la blague parfaite. En attendant d'accomplir son rêve, elle fait le ménage chez un couple de médecins, Lane et Charles, qui malgré un succès professionnel, voient leur amour partir à la dérive. La soeur de Lane, une femme sans emploi et complètement folle du ménage, aide Mathilda dans ses démarches ménagères et artistiques.

Les personnages sont non seulement attachants, mais aussi formidablement mis en vie par une distribution remarquable. Émilie Bibeau, dans le rôle de Mathilda, est impressionnante avec son accent brésilien constant, quoiqu'un peu stéréotypé. Monique Spaziani, dans la peau de Lane, réussit à nous émouvoir à travers l'absurdité de la pièce. Enfin, on ne peut passer à côté de la prestation d'Hélène Mercier, dans le rôle de la soeur de Lane. Le public reste pendu à ses lèvres et attend sa prochaine ligne. Sa gestuelle est remarquable et hilarante. Bref, "Une maison propre" est une oeuvre actuelle, drôle et émouvante sur l'accomplissement de soi et l'amour.

PAR MARIE-EVE JACQUES
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Une maison propre
Texte de Sarah Ruhl
Mise en scène de Martin Faucher
Avec Émilie Bibeau, Michel Laperrière,
Hélène Mercier, Patricia Nolin,
Denis Roy et Monique Spaziani
5ème Salle de la Place des Arts
19 novembre au 19 décembre 2009

La Réforme Pinocchio

Le théâtre Premier Acte de Québec prête sa scène à de jeunes auteurs-comédiens de la compagnie La Fleur de Cendre. La première création de cette dernière propose un univers ludique, une société dans laquelle tout est axé sur la productivité et l’exploitation des ressources. Depuis quelques années, les enfants de cet univers n’évoluent pas et se dirigent vers une mort certaine s’ils ne changent pas avant d’atteindre l’âge de la productivité. Le fils de l’empereur semble atteint du même mal et ce dernier doit réagir rapidement car le peuple se plaint. L’empereur et sa suite décident de s’attaquer à ce qui leur semble être la source du problème, soit l’éducation, plus précisément les gardiennes des enfants, ces êtres à moitié vivants ayant une télévision pour tête. C’est ainsi que s’enclenche la Réforme Pinocchio.

La pièce est rafraîchissante par son côté dénonciateur et le ridicule des situations proposées. Les personnages sont tous plus éclatés les uns que les autres, que ce soit le Dieu de tous qui est représenté par une statut dont le nom est Wal-Mart ou encore la gardienne des enfants qui est une réplique effrayante des Télétubbies. La Fleur de Cendre présente un conte moderne à l’humour acide où les éclats de rire sont suivis par des malaises dérangeants. Seule ombre au tableau : les quelques envolés lyriques qui alourdissent la fin de la pièce. Somme toute, la pièce frappe et les jeunes auteurs-comédiens offrent une brillante prestation.
PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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La Réforme Pinocchio
Première création de la compagnie
La Fleur de Cendre
Collectif d’auteurs
Avec Marc Auger, Benoît Cliche,
Jean-Michel Girouard, Éliot Laprise,
Jean-René Moisan, Lucien Ratio
et 'Israël Gamache
Mise en scène de Jean-Michel Déry
Théâtre Premier Acte
10 novembre au 28 novembre 2009

L'Imposture

«L’Imposture», 17e pièce de la jeune Evelyne de la Chenelière, offre une rencontre avec Ève, une femme forte, intelligente mais vulnérable qui tire ses idées de romans de son entourage immédiat et des situations personnelles qu’elle vit. Elle souligne les maux de son entourage, les tares de leur vie. Sa relation avec son fils Léo est mise de l’avant alors qu’elle choisit de prendre son fils comme narrateur de son histoire. Sa fille Justine assombrit le conte en se rebellant, partant vivre dans un dangereux ghetto. Quant à l’homme de sa vie, Bruno, il ne semble pas réceptif aux écrits qui s’adressent pourtant à lui. La pièce propose un questionnement sur l’identité du véritable auteur d’un roman et sur les limites des sources d’inspiration de ce dit auteur.

À travers les relations qu’Ève entretient avec les gens l’entourant, l’acte créateur, le statut de parent et la condition de la femme sont décortiqués, questionnés. Des personnages éclatés comme celui de David Boutin, tournent en ridicule certains comportements humains et créent un pont entre le public et la pièce. Cette dernière met en avant-plan la relation entre Ève et son fils Léo. Petit hic : nous nous égarons en deuxième partie du spectacle alors que nous suivons la fille d’Ève, la rebelle Justine, qui s’enfonce dans les gouffres d’un ghetto. S’ensuit des blagues faciles sur les Noirs et une caricature futile et facile. Les idées sont là mais elles semblent plaquées sur une toile de fond. Malgré tout, avec des projections vidéo, un dynamisme dans la mise en scène et des acteurs chevronnés, «L’Imposture» nous amène entre deux mondes, entre la stabilité sécurisante et le goût de l’inconnu. C’est donc une intéressante réflexion sur l’acte créateur et son impact sur l’entourage de l’auteur qui prend d’assaut la scène du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’à la mi-décembre.
PAR ANDRÉE-ANNE BRUNET
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L’Imposture
de Evelyne de la Chenelière
Avec Violette Chauveau, Francis Ducharme,
David Boutin, Sophie Cadieux, Jacinthe Laguë,
Hubert Proulx, Yves Soutière, Erwin Weche
Mise en scène de Alice Ronfard
Théâtre du Nouveau Monde
17 novembre au 12 décembre 2009