jeudi 26 février 2009

Etien.

On ne peut l’ignorer par les temps qui courent, vivre son adolescence en 2009 n’est pas une mince affaire. Ça, la compagnie de théâtre jeunesse Bluff semble l’avoir compris depuis la saison 2002-2003 de la Maison Théâtre. En effet, celle-ci présentait déjà à cette époque la pièce Étien, que je suis allé voir cette semaine. On l’a judicieusement remise à l’affiche pour souligner le départ de son auteur, Sarto Gendron, de la dite compagnie pour laquelle il était aussi directeur artistique. Croyez-moi, son œuvre traitant de l’obligation sociale de la performance et du ras-le-bol des standards que celle-ci nous impose, ça ne pourrait être plus d’actualité.

On y raconte les péripéties d’Étienne, 21 ans, qui nous fait comprendre dès les premières minutes de la pièce qu’on va assister à une crise existentielle d’une heure et demie durant laquelle les jeunes seront compris dans leur désarroi. Pour faire passer son message, il décide, aux commandes de son fidèle ordinateur, de prendre d’assaut les systèmes informatiques de la planète, afin d’en exercer un parfait un contrôle. Le but de sa mission? Changer le monde dit-t-il, mais aussi son monde par la bande. Dans son monde, il y a sa mère, incarnée par France Parent. Celle-ci exprime avec brio le tourbillon infernal dans lequel la société l’a enrôlée et du même coup, le piège dans lequel son fils ne veut pas tomber. Elle devra faire face à un agent de la GRC, qui lui, recherche Étienne.
On ne peut passer sous silence le texte audacieux de Sarto Gendron. Quel ne fut pas mon étonnement de retrouver des blasphèmes et des mots, disons-le, plutôt crus dans ce spectacle destiné à des jeunes de 13ans et plus. Une fois passé par-dessus mes jugements de grand-mère, je me suis rendu à l’évidence; l’adolescent ne s’exprime plus dans la langue classique de Shakespeare. Si on veut le rejoindre, autant assumer que cette phase est là et que l’on doit parler le même langage. Il en résulte donc un texte franc, honnête et tout à fait assumé dans la bouche des comédiens.

La mise en scène brillante de Michel Bérubé découpe la scène en trois parties pour chacun des personnages principaux. On s’y parle toujours par télécommunication. On est ainsi l’un à côté de l’autre, sans se voir. De plus, les comédiens récitent leur texte au public en les regardant toujours, ce qui leur donne une belle impression de vulnérabilité. Ils ne deviennent que des humains qui déclarent leur mal d’entrer en communication les uns avec les autres. On ne peut également passer sous silence une trame sonore rock à saveur parfois apocalyptique qui ponctue bien les montées dramatiques du personnage principal.

Etien est un spectacle qui m’a hautement plu, tantôt pour la sensibilité de ses interprètes, mais surtout pour l’humanisme de son texte.
MATHIEU POTVIN
« Etien. »
Texte de Sarto Gendron
Mise en scène de Michel Bérubé
Avec Mario Borges, Pierre Monet-Bach, France Parent, Joachim Tanguay
Maison Théâtre
Du 19 au 27 février 2009

dimanche 22 février 2009

Festival Mondial du Cirque de Demain

Depuis 30 ans déjà, Paris accueille les plus grands artistes de la relève pour le Festival Mondial du Cirque de Demain. Un concours permettant aux meilleurs de se faire voir par les professionnels du milieu. Les gagnants voient leur carrière assurément resplendissante et leur réputation internationale. La compétition a eu lieu il y a quelques semaines et les méritants nous font le plaisir de s’arrêter à la Tohu pour présenter les innovations du cirque.

C’est par une mise en scène valorisant chacun des numéros et une ambiance festive que le public montréalais a droit à un multiculturalisme surprenant, où la notion du cirque est différente d’un continent à un autre. Il est remarquable de comparer les artistes, selon leurs origines. Les Occidentaux ont tendance à opter pour une émotivité, une sensibilité et une simplicité dans leurs numéros, alors que les Orientaux favorisent un spectacle éclatant, familial et un peu « tape à l’œil ». Les deux styles sont fort appréciés du public, qui s’y plaît tout au long des représentations. Peu importe la discipline ou l’origine, la technique est quasi-parfaite et en met plein la vue !

Encore une fois, la Tohu présente un spectacle hors de l’ordinaire, avec les meilleurs artistes du cirque. Cela prouve que cet art se porte à merveille et que les plus grands réinventent sans cesse les disciplines existantes.
MARIE-EVE JACQUES

« Festival Mondial du Cirque de Demain »
Édition spéciale du 30ème anniversaire
Tohu
Du 17 au 28 février 2009

lundi 16 février 2009

La migration des oiseaux invisibles


Croire en un avenir meilleur. Croire en la vie, en l’amour. Croire qu’on peut être quelqu’un. Croire tout simplement. À bord d’un immense cargo traversant l’océan, Sinbad et Rat d’eau se rencontrent, se font peur, s’apprivoisent, s’apprennent puis deviennent inséparables. Personnage clandestin, Sinbad se cache et attend d’apercevoir le rivage pour nager vers de nouvelles aventures. Sa formule d’invisibilité n’ayant pas fonctionné, Sinbad se fait capturer par Rat d’eau, matelot un peu simplet mais attachant vivant sous le joug d’un capitaine sans pitié. Bien que tout semble les opposer à prime abord, ces deux enfants développent une improbable amitié, dissimulés au fond d’une cale.

S’appuyant sur l’autre pour grandir, se faisant la courte échelle vers le soleil, Sinbad et Rat d’eau partagent l’espoir d’une vie magique et transmettent leur courage à la foule de jeunes spectateurs de la Maison Théâtre. Avec des mimiques ludiques, un texte sincère et un dynamisme corporel, Marie-Josée Forget et Marilyn Perreault, respectivement Sinbad et Rat d’eau, font comprendre l’importance de croire et de s’entourer d’amis sincères et dévoués.

La simplicité a permis au duo de comédiennes de donner des frissons et surtout de faire rire un public plus qu’enthousiaste après tant de belles images et de belles paroles. Chantant de vérité, «La migration des oiseaux invisibles» donne matière à voir et à réfléchir sur l’importance de l’amitié et sur la foi en sa bonne étoile. Une belle leçon sur la vie signée Mathieu, François et les autres!

ANDRÉE-ANNE BRUNET

«La migration des oiseaux invisibles»
Avec Marie-Josée Forget et Marilyn Perreault
Texte de Jean-Rock Gaudreault
Mise en scène de Jacinthe Potvin
Maison Théâtre
Du 30 janvier au 14 février 2009

mardi 3 février 2009

La soupe de Kafka

Dans le cadre du Studio littéraire, Antoine Bertrand, Patrice Coquereau, Daniel Brière, Catherine Trudeau et Kathleen Fortin nous font la lecture de "La soupe de Kafka", recueil de pastiches des plus grands auteurs par Mark Crick. En effet, l'auteur s'est fait un plaisir d'imaginer le déroulement d'un dîner chez Virginia Woolf, Gabriel Garcìa Màrquez ou encore Marcel Proust, le tout évidemment présenté sous forme de livre de recettes.
La Cinquième Salle de la Place des Arts accueille sans aucun doute des comédiens de talent, qui mettent en vie les textes de Crick avec humour et justesse. Une mise en scène naturelle, qui rapproche les artistes du public, qui les rend complices le temps d'une soirée. La présentation multimédia est pertinente pour introduire les auteurs et bien préparer les auditeurs, mais un manque de précision et de coordination gâche un peu certaines des lectures, laissant le public perdu. Détail ridicule, mais tout de même nuisible.
Toutefois, le Studio littéraire est un événement à ne pas manquer. Un véritable rendez-vous avec les comédiens d'ici et leur passion pour la littérature.
MARIE-EVE JACQUES
«Studio littéraire«
Artistes variés
Cinquième Salle de la Place des Arts
Du 27 octobre 2008 au 4 mai 2009

Si tu veux être mon amie


Lorsqu’elle entend parler en boucle d’un tragique événement, l’oreille en vient à ne plus entendre. À trop se faire parler d’horreur, elle préfère se conforter dans son quotidien rassurant. On la comprend. Et pourtant…

Le conflit israélo-palestinien fait rage depuis déjà trop longtemps et rares sont les journées qui passent sans qu’un incident ne se produise dans ce petit coin du monde. Sommes-nous rendus indifférents à cette violence à force d’en être des témoins à distance? La compagnie de théâtre Les nuages en pantalons fait le pari que non.

D’abord présentée au théâtre jeunesse Les Gros Becs en 2006, c’est au théâtre Périscope que cette sympathique troupe d’artistes a installé ses pénates depuis la mi-janvier, le temps d’une dizaine de représentations de son spectacle «Si tu veux être mon amie». Traitant de la relation épistolaire de deux jeunes filles de 12 et 13 ans, l’une palestinienne, l’autre israélienne, cette remarquable œuvre présente les visions parfois opposées, parfois complémentaires, de préadolescentes rêvant d’une même chose : la liberté. Avec candeur et passion, les fillettes que nous voyons grandir sous nos yeux s’exposent et jamais le spectateur ne prend parti pour l’une ou l’autre; l’équipe de création ayant pris soin de ne pas suggérer un point de vue mais bien de montrer les deux facettes de leur triste réalité.

Raconté avec simplicité, parsemé de chorégraphies appuyant la légèreté ou la gravité d’une scène, avec des accessoires aussi simples que des roches et des bottes de soldats pour simuler l’Intifada, «Si tu veux être mon amie» ne nous rabat pas les oreilles avec les horreurs de la guerre mais nous fait plutôt comprendre qu’un point de vue ne peut être valable sans son opposé, ce que nous semblons avoir oublié de nos jours.

«Si tu veux être mon amie» ne dénonce pas avec férocité mais a sans contredit l’effet de nous remettre en question par rapport à notre trop grande ignorance. Loin de se sentir moralisés, petits et grands se sentiront concernés par ce texte facile d’approche, cette pièce coup de poing et certainement coup de cœur…
ANDRÉE-ANNE BRUNET
«Si tu veux être mon amie»
Avec Éva Saïda, Klervi Thienpont,
Olivier Normand & Jean-Philippe Joubert
Texte de Litsa Boudalika à partir de lettres authentiques
Mise en scène de Jean-Philippe Joubert
Théâtre Périscope
Du 13 au 31 janvier 2009

Le Complexe de Thénardier

Il existe une lourdeur dans «Le complexe de Thénardier» présenté à l’Espace Go, après une tournée en France et en Belgique. Une lourdeur provenant d’une histoire fort simple mais pesante d’humanité. Une véritable démonstration de notre interdépendance humaine, de notre fragile besoin de l’autre.

Le metteur en scène Denis Marleau se plonge une seconde fois dans l’univers de l’auteur béninois José Pliya en s’attaquant au tableau d’une relation maître-esclave. Vido est recueillie chez la Mère durant la guerre afin de se cacher. Tranquillement, la Mère la transforme en cuisinière, femme de ménage et nourrice pour ses deux enfants. Quelques années plus tard, Vido veut voir le monde mais la Mère ne voit pas les choses de la même façon. Par un terrible jeu de pouvoir et la violence des mots, elle s’appliquera à jouer sur les sentiments et les pauvres défenses de Vido afin de garder cette jeune adulte devenue esclave auprès d’elle. Or, les plus forts se révèlent souvent porteurs des plus grandes faiblesses…

Christiane Pasquier, alias la Mère, s’affiche comme un véritable monument, une actrice dont le talent et l’expérience ne sont plus à prouver. Elle offre une justesse de jeu à faire frissonner et parvient à ramener l’attention du spectateur qui parfois s’égare dans ses pensées à cause de l’évolution très lente de l’histoire. De nombreuses répétitions dans le texte, basées sur les supplications de Vido, font stagner l’histoire et engourdissent le spectateur.

Néanmoins, la richesse du jeu de Pasquier est un trésor québécois que nous n’avons malheureusement pas la chance de voir souvent sur les planches des théâtres. Bien que «Le complexe de Thénardier» ne soit pas un coup de cœur, la performance de Christiane Pasquier est certes un fort souvenir qui restera ancré longtemps.
ANDRÉE-ANNE BRUNET
«Le Complexe de Thénardier»
Avec Christiane Pasquier et Murielle Legrand
Texte de José Pliya
Mise en scène de Denis Marleau
Espace Go
Du 20 janvier au 14 février 2009